Journaliste spécialisé sur l’écologie pour la Gazette des Communes, Arnaud Garrigues revient sur les conséquences environnementales de la Fête des Lumières. Pour lui, le débat actuel ne peut pas condamner sa présence.
Pourquoi peut-on dire qu’une manifestation comme la Fête des Lumières à Lyon a un impact négatif sur l’environnement ?
- On peut déjà s’interroger sur l’impact qu’un tel événement a en carbone, et en regardant les émissions de gaz à effet de serre pendant cette manifestation. Ce sont en effet plusieurs millions de personnes qui viennent à la Fête des Lumières et qui émettent des gaz à effet de serre. Si ce flux important n’engendre pas un impact supérieur à la moyenne, on peut dire que l’impact négatif sur l’environnement n’est pas important. En revanche, si ce sont des personnes qui viennent majoritairement de loin pour cet événement, l’impact sera plus important. Mais je ne pense pas qu’on puisse remettre en question la tenue de la Fête des Lumières sur l’argument des gaz à effet de serre. De mon point de vue, ce ne sont pas les œuvres utilisées lors de cette manifestation qui vont consommer beaucoup d’énergie.
En 2018, près d’1,8 million de touristes ont participé à la Fête des Lumières. D’après vous, comment une ville comme Lyon se prépare à accueillir autant de personnes ?
- Lyon est habituée à recevoir autant de personnes, même si le chiffre de l’année passée est relativement élevé. Il faut arriver à calculer le nombre de personnes qui viennent de l’extérieur, c’est-à-dire hors de la ville. Ces personnes-là vont naturellement booster la consommation liée aux transports même si les opérateurs de transports vont augmenter leur fréquence durant l’événement. La ville doit davantage se concentrer sur l’aspect des déchets, car c’est souvent le point faible sur ce type de manifestations, même s’il existe une réelle volonté de réduire l’impact lié aux déchets.
Alors justement, de quelle façon peut-on réduire les déchets sur cet événement ?
- Une collectivité devrait par exemple interdire l’utilisation du plastique et instaurer des gobelets réutilisables et consignés. Je pense qu’il faudrait également mettre en place un tri des déchets, et notamment concernant tout ce qui pourrait être recyclable. Si on arrive à récupérer des gobelets ou des bouteilles, ça serait déjà énorme. Il est simple de bannir l’utilisation du plastique, mais il est compliqué de contrôler tous les stands de nourriture qui seront présents pour les surveiller afin que les consignes soient bien respectées.
Concernant les visiteurs, comment ces derniers peuvent contribuer à ce que cette fête soit éco-responsable ?
- Il y a déjà la question de la mobilité. On peut s’interroger sur les moyens de locomotion utilisés pour se rendre à la Fête des Lumières. Il faut privilégier les transports peu polluants ou le co-voiturage. Il faut également veiller à ne pas jeter ses déchets dans la rue pendant la durée de la manifestation.
« Une collectivité devrait par exemple interdire l’utilisation du plastique et instaurer des gobelets réutilisables et consignés »
Pendant ces quatre jours consacrés à la Fête des Lumières, La Ville de Lyon, via son opérateur, propose une réduction du prix des billets de métro (tarifs préférentiels) et la SNCF suit cette initiative pour les trains TER sur la région. Est-ce que ce sont des solutions efficaces en faveur de l’environnement ?
- Je pense en effet que ce sont de bonnes mesures. Pour moi, le principal impact autour de cet événement est le déplacement des visiteurs. Les personnes éloignées viendront malgré tout en train, car elles sont un peu obligées de prendre cette option. Tous les individus habitant à moins de 200 kilomètres de Lyon devraient à mon sens profiter de ces solutions, et surtout ne pas venir en voiture car le trafic est saturé et engendre un impact environnemental très conséquent. C’est compliqué d’aller jusqu’à la gratuité car cela couterait de l’argent aux différents opérateurs. Ce sont tout de même des mesures d’incitation utiles montrant des efforts en faveur de l’environnement.
Depuis quelques années, un concours a été créé par les organisateurs de la Fête des Lumières pour favoriser les œuvres en rapport avec l’écologie : c’est la valorisation des artistes ayant une démarche éco-responsable avec le Trophée Récylum des Lumières Durables. Est-ce déjà, via cette mesure, un bon pas en faveur de l’environnement ou n’est-ce qu’une simple mesure ?
- Un peu des deux, sûrement. Ce n’est pas une mesure qui va réellement changer grand-chose. Celle-ci représente tout de même un moyen de parler de l’environnement. Si la création est innovante et intéresse les spectateurs, cela peut avoir de l’intérêt.
« Le principal impact autour de cet événement est le déplacement des visiteurs »
Dès le 25 novembre, des triporteurs de la fêtes des lumières et d’Ecosystem sillonneront les rues lyonnaises afin d’expliquer aux passants l’intérêt du recyclage des lampes et de l’éclairage de l’événement. Quel est l’intérêt de ce type d’opération et est-ce que celles-ci servent véritablement à quelque chose ?
- Je trouve que ce type d’opérations est une bonne chose. Il faut saisir toutes les occasions pour sensibiliser le grand public. Ecosystem est à mon sens un éco-organisme assez méconnu. Cela peut notamment inciter les personnes à trier et à recycler les déchets. Cela fait partie des missions que l’éco-organisme doit traiter au quotidien. Il s’agit donc d’une opportunité à saisir. Sur 2 millions de personnes qui viennent à l’événement, s’ils arrivent à toucher seulement 100 000 individus, cela serait déjà une très bonne opération.
Pour finir, est-ce qu’avec tout ce débat autour de l’écologie qui est assez présent en ce moment en France, la tenue de cet événement peut être menacée à l’avenir ?
- Honnêtement, je ne pense pas. L’impact environnemental de la Fête des Lumières reste mineur. Il ne faut pas opposer l’écologie à la vie. Il ne faut surtout pas que le fait de s’approprier l’environnement empêche les personnes d’avoir des moments de détente, de découverte et de loisir. Cependant, il faut garder une certaine éco-responsabilité. C’est un événement annuel, donc celui-ci aura un impact limité par rapport à la question de la gestion des déchets ou des transports tout au long de l’année. La Fête des Lumières permet de faire connaître la ville de Lyon. C’est un événement que les Lyonnais attendent avec impatience et qui ne sera pas condamner par l’écologie. Il faut aussi savoir vivre et dans de bonnes conditions tout en étant respectueux de l’environnement.
Entretien réalisé par Hugo Caprioli
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